vendredi 5 août 2011

Elections 2011 : La Monusco tombe le masque…

Ancien ambassadeur des Etats-Unis à Kinshasa (2004-2007), Roger Meece, patron de la Mission onusienne en RD Congo, a congratulé la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) «pour le progrès accompli dans le processus électoral». Une ingérence inqualifiable au moment où des acteurs politiques congolais fustigent le mystère entretenu par le président de la Ceni autour des opérations de révision du fichier électoral. C’est un inquiétant message subliminal que ce diplomate vient d’envoyer non seulement aux représentants des forces politiques de l’opposition mais aussi à l’opinion congolaise. Et dire que la logistique des opérations de vote sera assurée par les fonctionnaires et les avions onusiens…
L’Américain Roger Meece a franchement raté l’occasion de se taire. On se demande bien le message qu’il a voulu faire passer à travers les «félicitations» qu’il s’est cru en droit d’adresser, mardi 2 août, au président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pour les «progrès accomplis dans le processus électoral». Pour qu’il ne soit pas suspecté de parti pris, Meece qui passe, plus à raison qu’à tort, pour un «kabilophile», a pris la précaution d’associer «les acteurs politiques» à ces congratulations.

«La Monusco félicite la Ceni pour avoir mené à terme l’opération de révision du fichier électoral et ce malgré les difficultés techniques et logistiques inhérentes à cette phase, il est à noter que cette opération a abouti à une liste provisoire de plus de 32 million d’électeurs, indique une dépêche de Xhinuanet. Elle encourage vivement le parlement à tout mettre en oeuvre pour examiner et adopter rapidement ledit projet de la loi dans les délais permettant la tenue des élections présidentielles et législatives conformément au calendrier.»

On le sait, le président de la Ceni, Daniel Mulunda Ngoy s’est rendu vendredi 29 juillet au ministère de l’Intérieur pour déposer l’annexe à la loi électorale. Dans une déclaration faite à l’issue de cette audience, Mulunda a lancé un "ultimatum" aux parlementaires. Selon lui, ceux-ci ont jusqu’au 10 août prochain pour voter le projet de loi devant accompagner la fameuse annexe. Passé ce délai, il va de son propre mouvement organiser la seule élection présidentielle à la date du 28 novembre. Le président de la Ceni met à nu sa méconnaissance des différentes étapes du travail parlementaire dans le processus d’élaboration d’une loi. A savoir : dépôt du projet ou proposition de loi, vote de recevabilité par la chambre saisie, transmission du texte à la commission parlementaire compétente, présentation du texte par un rapporteur, amendements éventuels, vote, transmission du texte voté à l’autre Chambre censé voter dans les mêmes termes, transmission du texte au chef de l’Etat pour promulgation. Peut-on accomplir une telle tâche en moins de dix jours ? Assurément pas !

L’enthousiasme du patron de la Monusco est loin de faire l’unanimité. Bien au contraire. Des observateurs avertis assurent qu’en annonçant sa volonté de "découpler" les élections présidentielles et législatives - passé le délai du 10 août -, "Mulunda se livre à une fuite en avant pour dissimuler un travail autant inachevé que bâclé au niveau tant des listes électorales que du découpage des circonscrptions".

Roger Meece n’est pas sans ignorer la méfiance qu’inspire le "travail solitaire" du président de la Ceni. Une méfiance suscitée par l’opacité qui entoure les opérations de révision du fichier électoral autant que l’attribution de nombre de sièges de député par circonscription. Sans vouloir refaire l’histoire, dans un "pays normal", la candidature de Daniel Mulunda Ngoy à cette fonction aurait été purement et simplement récusée pour «conflit d’intérêt». «Conseiller spirituel» d’un des candidats à l’élection présidentielle et membre co-fondateur du parti présidentiel (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie), il est humainement impossible d’être neutre. Les forces de l’opposition ont posé des préalables qui tardent à être rencontrés. L’organisation par la Ceni d’un forum pour l’adoption d’un "code de bonne conduite" n’a été qu’un subterfuge de plus. Des "conventions" de la même trempe - signées entre les deux tours de la présidentielle en 2006 - avaient-elles empêché "Joseph Kabila" à ordonner le pilonnage de la résidence de son challenger Jean-Pierre Bemba?

Comme pour enfoncer le clou planté par le «pasteur», Meece dit en passant que sa Mission a été informée «au terme du communiqué de la CENI en date du 29 juillet 2011, que la commission électorale nationale indépendante (CENI) a déposé à la vice primature de l’intérieur et de la sécurité, le projet d’annexe à la loi électorale sur la répartition des sièges.» Et d’ajouter que la Monusco «prend acte de cette étape importante qui permettra de déterminer le nombre de députés nationaux par circonscription. Cependant elle réitère son appel à tous les acteurs du processus électorale à oeuvrer pour la tenue d’élections démocratiques, libres, transparentes et apaisées en République démocratique du Congo.»

En s’arrogeant le droit de distribuer des bons et mauvais points aux opérateurs politiques congolais, Roger Meece ne tente-t-il pas d’élargir insidieusement l’objet de sa mission lequel, dans le cas sous examen, se limite à «appuyer le processus électoral avec le moyen logistique»? Une chose paraît sûre : la Monusco tombe le masque. C’est connu, ceux qui tirent profit d’un système se méfient généralement des bouleversements. Il faut espérer que les acteurs politiques congolais ne se laisseront guère impressionner par les gesticulations du patron de la Monusco. Et le feront savoir.

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